Desserts en forme

La mode n’épargne pas la pâtisserie. Paris au XIXe siècle a connu une folie de galettes. La meilleure était fabriquée chez la mère Marie, à la barrière de Fontainebleau. L’on connaissait aussi la galette du Gymnase, à côté dudit Théâtre. Le pâtissier était surnommé le père Coupe-Toujours. Mais la mode insatiable emporta les Parisiens, rue de la Lune, au profit de la brioche qui avait remplacé la galette dans la faveur populaire. Quel est le ressort de la création pâtissière, l’air du temps, l’interprétation d’un répertoire pour la satisfaction des gourmands ?
Aujourd’hui, un esthétisme forcené s’est à nouveau emparé de la pâtisserie, comme dans les années 1980, lorsque les gâteaux légers, colorés à outrance, étaient réalisés avec des mousses lyophilisées prêtes à l’emploi, un peu d’eau et de crème Chantilly, afin d’obtenir une palette d’arômes coruscants.
L’obsession nouvelle est la géométrie et ses figures de base : le triangle, le cercle parfait. Et même le carré pour une galette des rois oublieuse de ses origines, le disque apollinien de Sol Invictus. Le macaron, c’est l’héritage italien, la corne d’abondance des reines Médicis, qui révéla aux gourmands ébahis les biscuits à la cuiller et les délicats macarons. Le macarone, à base d’amandes, d’un peu de sucre et de blanc d’oeuf, vient de Venise, craquant à l’enveloppe, fondant à l’intérieur. Depuis quelques années, il est parfumé à la rose, au basilic, au yuzu, et même à la truffe blanche ou au foie gras ! Ces parfums sont-ils naturels ? Il est permis d’en douter. Le sucre, surajouté, fait passer la potion.
Une nouvelle génération de pâtissiers voit les choses autrement. L’un des plus brillants, Hugues Pouget, 34 ans, à l’enseigne de Hugo & Victor (40, boulevard Raspail, Paris 7e) affiche clairement sa volonté de rompre avec la facilité. Pour lui, ” le sucre n’est qu’un assaisonnement, seul compte le goût “. La forme n’est pas une fin, elle reste soumise à l’inspiration, à la variété. Aucun additif, arômes ou colorants de synthèse n’entrent dans ses gâteaux. La gélatine ? ” Juste ce qu’il faut pour stabiliser une crème. ”
Une recette d’antan
Nous lui avons soumis une recette d’antan, baptisée ” crème Roguet ” dans un cahier de famille : une charlotte enveloppée de biscuits à la cuiller, composée en parts égales d’amandes en poudre, de beurre, de sucre, d’un verre de lait, d’une cuiller de farine, d’un oeuf (jaune et blanc dissociés) et d’un peu d’essence de café. Le jeune pâtissier s’est prêté au jeu de la reconstitution, savoureuse, mais peu conforme à la diététique d’aujourd’hui. Il s’est inspiré de cette base pour la faire évoluer en blanc-manger, supprimant le beurre et la farine et divisant la quantité de sucre par deux. Un détail, l’essence de café est remplacée par l’infusion, pendant vingt-quatre heures, de 20 g de café dans du lait, lequel est employé ensuite avec le sucre et la poudre d’amande, 6 g de gélatine et la crème montée. Le résultat est incomparable de légèreté, de précision des saveurs, un véritable hommage à la gourmandise. Cette charlotte, désormais appelée ” Tante Jeanne “, sera proposée chaque week-end pendant un mois à partir du 14 janvier (sur commande en semaine) au prix de 35 euros (4/6 parts). A accompagner d’un vieux Rivesaltes.

Hugo & Victor. 40, boulevard Raspail, Paris 7e

Les huîtres à la ” deuzaine “

Fini le temps où les huîtres étaient offertes treize à la douzaine sur les marchés ! Leur prix a plus que doublé en quelques années. Maintenant on les achète par deux, ” à la deuzaine “, plaisante l’humoriste Nicolas Canteloup. C’est à l’unité que, pour sa part, le Bar à huîtres propose de grands crus d’huîtres prêtes à emporter pour le réveillon de la Saint-Sylvestre : les moyennes n°3 de l’île de Ré à 1,9 € pièce, la spéciale Gillardeau, ” moyenne et charnue ” n°3, Marennes Oléron à 2,90 € pièce et même 4,90 € l’unité pour l’exceptionnelle ” pousse en claire ” n°2 de David Hervé ! Les huîtres sont devenues un produit de luxe en raison de la forte mortalité des naissains (embryons), jusqu’à 70 %, enregistrée depuis 2008. Or trois années d’élevage et d’affinage sont nécessaires pour que l’huître soit comestible. Nous sommes donc en première année de pénurie de l’offre. Pénurie relative, dans la mesure où l’augmentation des prix a freiné la demande. Cause officielle de cette mortalité, un virus de type herpès, qui frappe les seules huîtres creuses.
En fait, rien ne va plus dans la filière ostréicole depuis que l’Agence française de sécurité sanitaire (Afssaps) des aliments avait donné, en 2003, son feu vert pour le développement de l’huître dite triploïde ou des quatre saisons, rendue stérile par manipulation du nombre de ses chromosomes et parvenant à maturité en deux ans au lieu de trois. La relation de cause à effet n’a pas été établie entre la forte mortalité actuelle et la production massive de triploïdes (plus de 50 % de la production aujourd’hui), mais la filière se désole. Les seuls bénéficiaires sont les écloseries, chargées de la prévention de l’épizootie.
Pour maintenir une présence symbolique des huîtres – trois par personne – sur la table du réveillon, on pourra adapter d’anciennes recettes. Au Moyen âge, l’huître était servie en civet ou en pâté. Le sommet de la sophistication fut longtemps l’huître Rockefeller, créée chez Antoine en 1899 à la Nouvelle Orléans : la julienne de légumes et les épinards associés à l’huître beurrée, couverte de chapelure était gratinée au four. On lui préfèrera la recette de Yannick Alleno, chef du Meurice, qui fait réduire a feu doux un décilitre de fumet de poisson, autant du jus d’une douzaine de belons, un verre de champagne brut jusqu’à une consistance sirupeuse. Monter au fouet à main un décilitre de crème liquide; incorporer dans la sauce réduite 20 gr. de beurre bien froid en remuant ; retirer du feu, poivrer, ajouter deux cuillères à soupe de crème fouettée ; napper chaque huître d’une cuillère de cette sauce onctueuse et faire gratiner au four en position grill pendant trois minutes. Servir aussitôt.  Les grands amateurs d’huîtres se fournissent à L’Ecailler du Bistrot (22, rue Paul-Bert, 75011 Paris). Ils bannissent tout assaisonnement, sauf le poivre, et vident la première eau à l’ouverture, souvent fade ou trop sapide.
Jean-Claude Ribaut

CARTE SUR TABLE JUSQU’AU 31 DECEMBRE

Carte sur Table répond à un souhait des restaurateurs de pouvoir proposer sur leurs tables de très grands Bordeaux à des prix abordables. Pour répondre à leurs attentes, La Vinicole, filiale du Groupe Duclot dédiée à la vente de grands vins de Bordeaux à la restauration, a mis au point avec eux une opération et écouté leurs conseils quant à la sélection des vins.Les grands Bordeaux doivent retrouver leur capital séduction sur quelques belles tables de Paris et chez de jeunes Chefs talentueux.

L’offre est valable dans la limite des stocks disponibles jusqu’au 31 décembre 2011.

Liste des vins :

Château Brane-Cantenac 2004
Margaux – 2ème Cru Classé                       85 €

Château Beychevelle 2005
Saint-Julien – 4ème Cru Classé               130 €

Château Lafite Rothschild 2001
Pauillac – 1er Cru Classé                           520 €

Château Pichon Baron 2004
Pauillac – 2ème Cru Classé                      120 €

Château Calon-Ségur 2004
Saint-Estèphe – 3ème Cru Classé             95 €

Château Pape Clément 2006
Pessac-Léognan Rouge – Cru Classé       160 €

Château Figeac 2000
Saint-Émilion – 1er Grand Cru Classé B  155 €

Petrus 2004
Pomerol                                                         500 €

Château La Conseillante 2006
Pomerol                                                          150 €

Château d’Yquem 2008
Sauternes – 1er Cru Supérieur                   260 €

Restaurants :

Bistro Volnay

Delphine Alcover et Magali Marian
8, rue Volney – 75002 Paris
+33 (0)1 42 61 06 65
www.bistrovolnay.fr

Bistrot Jadis

Chef : Guillaume Delage
208, rue Croix Nivert – 75015 Paris
+33 (0)1 45 57 73 20 – contact@bistrot-jadis.com
www.bistrot-jadis.com

Jean-François Piège**

Chef : J-F Piège – Sommelière : Caroline Furstoss
79, rue Saint-Dominique – 75007 Paris
+33 (0)1 47 05 79 79 – contact@thoumieux.com
www.thoumieux.fr

L’Agapé*

Chef : Guillaume Bracaval.
51, rue Jouffroy d’Abbans – 75017 Paris
+33 (0)1 42 27 20 18
www.agape-paris.fr

Le Chiberta*

Chef : Stéphane Laruelle
Directeur : Jean-Paul Montellier
3, rue Arsène Houssaye – 75008 Paris
+33 (0)1 53 53 42 00 – chiberta@guysavoy.com
www.lechiberta.com

Le Voltaire

27 Quai Voltaire – 75007 Paris
+33 (0)1 42 61 17 49

Le Pré Catelan***

Chef : Frédéric Anton – Sommelier : Olivier Poussier
Route de Suresnes, Bois de Boulogne – 75016 Paris
+33 (0)1 44 14 41 14
www.restaurant-precatelan.com

Le 39V

Chef : Frédéric Vardon
Sommelière : Sabrina Gartmann
39, avenue George V – 75008 Paris
+33 (0)1 56 62 39 05 – restaurant@le39v.com
www.le39v.com

Passage 53**

Chef : Shinichi Sato – Directeur : Guillaume Guedj
53 Passage Panoramas – 75002 Paris
+33 (0)1 42 33 04 35
www.passage53.com

Restaurant Pierre Gagnaire***

Chef : Pierre Gagnaire
Sommelier : Patrick Borras
6, rue Balzac – 75008 Paris
+33 (0)1 58 36 12 50
www.pierre-gagnaire.com

Cristal Room Baccarat

Chef : David Angelot et Guy Martin
Sommelier : Fabien Hacques
11 place des Etats-Unis – 75016 Paris
+33(0)1 40 22 11 10
www.baccarat.fr

Mathi’s restaurant

3 rue de Ponthieu, 75008 PARIS
01 53 76 39 55

 

 

VINS : deux dégustations à Paris le 2 et 3 décembre 2011

Dégustation « Le Vin en Tête » : vins de terroirs, bios, naturels

Plus de cinquante vignerons rassemblés par Le Vin en Tête, font déguster

leurs vins et les vendent au prix à la propriété.

148, rue du Faubourg Saint-Martin

Samedi 2 décembre : 12 h. à 20 h.

Dimanche 3 décembre : 11 h. à 19 h.

Entrée 10 €

 

Le Grand Tasting : Festival de l’Establishment

Le Grand Tasting est un festival du vin comme il existe des festivals de musique ou de cinéma. Il en est à sa sixième édition, placée, cette année, sous le signe de la qualité (chaque vignoble exposant présente ses meilleurs représentants), et aussi de la notoriété. On peut y rencontrer les cuvées mythiques de stars internationales voisinant avec les crus inconnus de jeunes vignerons talentueux, agréés par le Guide Bettane+Desseauve. Important programme d’animation : master class de dégustation, ateliers gourmets animés par des cuisiniers, école des terroirs (dégustations).

Au Carrousel du Louvre

2 décembre : 10 h.30 – 20 h. 30

3 décembre : 10 h.30 -  19 h.3

Entrée : 20 €

Disparition d’Anthony Rowley, historien et gastronome.

Anthony Rowley, historien, éditeur, gastronome est décédé le 26 octobre 2011 d’une crise cardiaque à l’âge de 59 ans. Il était gourmand jusque dans l’amitié, m’ayant invité, en 2003, à co-signer avec lui « Le vin, une histoire de goût » dans la collection Découvertes Gallimard. « A toi le goût, à moi l’histoire » m’avait-il dit en levant son verre pour sceller notre complicité. Mon propos aujourd’hui,  sous le choc de cette disparition brutale, est seulement destiné à éclairer un des aspects de sa pensée d’une profondeur inégalée sur l’histoire de la table, au-delà de l’influence qu’il a pu exercer sur ses étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques, à travers un ouvrage paru en 2006.

 

L’histoire de la cuisine, des temps les plus reculés à nos jours, ne serait-elle qu’une querelle permanente des Anciens et des Modernes ? C’est à cette question en forme de moteur à deux temps qu’il s’est employé à répondre dans « Une histoire mondiale de la table (Odile Jacob.2006)». Il observe cet antagonisme, « recomposé par le jeu de la variante, de la variation et de l’équilibre », non seulement à chaque âge de l’histoire occidentale de la table, mais également dans les sociétés traditionnelles du mythe et des arts premiers. En livrant cette clé, Anthony Rowley entend éclairer les contradictions qui jalonnent l’histoire culinaire. La variante, respectueuse de la transmission, suggère un écart dans la  recomposition des plats ; la variation résultant d’influences extérieures – sociales, religieuses, régionales – induit une cuisine en mouvement qui peut aller jusqu’à la rupture. Anthony Rowley, dans ce livre, fait grand cas des méthodes propres à l’anthropologie comparative et se réfère explicitement aux travaux de Marcel Detienne, helléniste éminent, professeur à la John Hopkins University. La force d’écriture et l’efficacité de la méthode lui permettent de brosser  un tableau passionnant et saisissant aussi bien de la nourriture des « préhistoriques » que des avatars méconnus de la table européenne depuis l’Antiquité tardive jusqu’au Moyen-âge finissant.  L’auteur s’attaque également au restaurant, pure invention française, qui est d’abord un lieu de  sociabilité plus que de l’excellence gastronomique, héritier d’une fable fondatrice, d’un conte mythique en souvenir de l’Age d’Or, celui de la précellence de la cuisine française issue d’un terroir divin. Historiens et anthropologues se partagent aujourd’hui le champ moderne du comparatisme. La science historique fut toujours le propre de groupes humains homogènes, déterminés et peu conciliants, clamant leurs vertus et fustigeant les vices des Barbares, mangeurs de vers, de larves, de criquet et de cigales. L’anthropologie moderne, elle, est d’emblée une discipline comparative qui n’a jamais mis de frontière entre les sociétés d’autrefois et les cultures d’ailleurs. Ainsi dans ce livre qui emprunte aux deux disciplines, nous sont offerts les exploits classiques d’Antonin Carême et l’analyse comparée de la consommation de larves molles et d’insectes grillés en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient.

 

Poussant plus avant encore la transgression, les manières de table, nous dit Anthony Rowley, désignent, en France, une invention régalienne  des Temps Modernes (1600-1790.), dont l’étude entend être un champ disciplinaire autonome. La cuisine française y parait comme les enfants d’Athéna, autochtone, née de la terre, donc incomparable ! C’est ce mythe ou plutôt ce conte de fée, vivant encore aujourd’hui, que pointe Rowley, dont l’ascendance franco-britannique ( son père fut officier de l’armée des Indes) aiguise le point de vue original. La table élitaire en France, selon le jeu des chefs étoilés mené par le Guide Michelin (aujourd’hui mondialisé et anglomane),  est peinte sans passion, à petites touches vives et rapides, comme l’exemple d’une table raffinée aux prises avec les indices contradictoires et agités de la tradition et de la  modernité. La Nouvelle cuisine et les mouvements qui ont suivi, fooding, fusion food, Slow food sont esquissés par le truchement du concept binaire annoncé d’entrée. Et lorsque la contrainte économique se fait par trop sentir, c’est le recours aux mythes de l’âge d’or : la soupe au pistou et la cuisine mijotée de Maïté. La pythie delphique parfois vaticine, qui renvoie la diète crétoise au magasin du souvenir, inventée, dit l’auteur, par la diététique américaine, et aujourd’hui obsolète.

 

Le va-et-vient transatlantique entre Europe et Nouveau Monde depuis deux siècles est superbement esquissé avec ses conséquences alimentaires mondiales, ses coutumes et habitudes de table. De 1860 à nos jours, les faits sociaux sont répertoriés dans leurs conséquences culinaires, migrations humaines, conserve et transport frigorifique, influence des guerres « Grande », mondiale et coloniales. Le tout énoncé, dans un langage sobre, ami de la litote.  Le droit absolu de la cuisine française à l’exception autochtone étant balayé, l’auteur s’applique à réévaluer les cuisines voisines, tant italienne qu’anglaise.  Ici une savoureuse singularité, énoncée avec l’humour anglais, à propos d’une cuisine cubano-américano-chinoise, déjà pratiquée à Miami. L’understatement est d’ailleurs une clé de ce livre austère, ouvert aux valeurs étrangères. Est-ce un pamphlet ? Explicitement non, mais ouvertement oui, dans les nuances appliquées à dénoncer les mensonges de l’incomparable dont se parent toutes les nations, même celles dites gourmandes. Pour mieux montrer ensuite comment construire des comparables et exposer que la représentation fantasmatique qu’un français, dit de souche, se fait de sa cuisine est compatible avec des parcours de civilités gourmandes comme ceux des aborigènes d’Australie. Comparatisme politiquement correct ? C’est celui de Montaigne au chapitre « Des Coches » (Essais. Livre III)!

« Une histoire mondiale de la table » Stratégies de bouche. Par Anthony Rowley. (Odile Jacob Histoire.2006. 29, 90 €).

Dessin de Luc Cornillon

Philippe Detourbe s’installe au Jardin d’Ohé à Saint-Maur

A Yerres, dans l’Essonne, villégiature fleurie de la bourgeoisie à la fin du XIXe siècle, la municipalité restaure et entretient le parc admirable et la maison du peintre Gustave Caillebotte (1848-1894), en particulier son potager et son chalet suisse, au décor insolite et chaleureux. Philippe Detourbe y est installé depuis 2008. Ce cuisinier de l’air du temps s’est imprégné du génie du lieu. Il note ses impressions fugitives dans le potager, cueille un brin de ciboulail, s’assure de la fine amertume du mesclun, qu’il associe à des langoustines rôties et pommes Maxim’s. Cuisine impressionniste ? Oui, mais la vérité du produit n’est jamais perdue de vue, même dans une acrobatique poêlée de gambas, pommes de terre fondantes, banane et boudin noir au curry et lait de coco. Joli travail d’équipe. (Chalet du Parc : formule à 32€, menu à 39 € en semaine.)

Depuis le 6 octobre, Philippe Detourbe a repris Le Jardin d’Ohé, sur les bords de la Marne, une ancienne ginguette ouverte à la Belle Epoque (1904) comme celles qui faisaient face à l’Ile d’Amour, l’Ile des Vignerons, des Cormorans, de Pissevinaigre, et de Champigny. C’est dépaysement assuré à moins de 10 km de Paris. Une grande cheminée, un décor sobre et chaleureux, entirement nouveau, accompagnent une jolie cuisine de saison, un pressé de foie gras et volaille, des saint jacques rôties et gambas, une joue de bœuf admirable servie avec de la polenta et des choux de Bruxelles. Le lièvre à la royale est annoncé pour le début novembre. Un dessert ? L’île flottante ou bien la tarte fine aux pommes.  La cave est pourvue déjà de quelques jolies bouteilles. Menus découverte : 32 € – 39 €. Prestige : 45 €

Les deux établissements sont ouverts le week-end. Fermeture lundi et mardi.

Chalet du Parc. 2, rue de Concy 91330 Yerres – Tél : 01 69 06 86 29

Le Jardin d’Ohé - 29 Quai de Bonneuil – Saint-Maur-des-Fossés 94100. Tél. : 01 48 83 08 26 // 01 80 91 56 41

 

 

Boudin Basque à la Villa Corse

Henri Boutier, chef de la Villa Corse vient de mettre au point une recette réalisée avec le boudin basque de Christian Parra. C’est une entrée faisant alterner, à la façon d’un pâté Lucullus, les tranches de boudin avec une polenta de châtaigne et une couverture de pommes fruits compotées. L’harmonie nait de l’équilibre entre la finesse de la purée de châtaigne – saveur autochtone de la Corse –  la pomme de Normandie, patrie continentale du boudin, et celui de Christian Parra. Cette recette doit faire son entrée sur la carte de la Villa Corse dès la mi-octobre. La réputation du boudin basque au piment d’Espelette n’avait guère franchi l’Adour avant que Christian Parra ne reprenne la recette de son aïeule à l’Auberge de la Galupe (deux étoiles Michelin). Aujourd’hui, la recette exécutée sous son contrôle par la maison Rozès est identique. On commence par faire rissoler la goula (gorge), le coeur, la rate, les poumons du cochon et les poireaux, pendant que les oignons, bientôt mêlés de thym frais et de persil ciselé, fondent doucement dans la casserole. Zola avait perçu la magie de cet instant : “Les rondelles d’oignon prenaient sur le feu des petites voix claires et aiguës de cigales pâmées de chaleur” (Le Ventre de Paris). La couenne ensuite doit être détaillée en petit salpicon ; les chairs, les poireaux, égouttés et hachés. Puis, à l’ensemble, assaisonné de quatre-épices et de piment d’Espelette, on ajoute le sang.

Que boire avec ce plat ? Un patrimonio 2007 du Domaine Leccia, expression élégante et authentique du cépage niellucciu sur l’un des plus beaux terroirs corses, avec  un nez aux arômes de fruits rouges, et des tanins formant une dentelle minérale légèrement épicée, en écho au piment d’Espelette. La Villa Corse est une très agréable ambassade de l’Île de Beauté, avec son bar, son salon et sa bibliothèque. J’y ai dégusté récemment une très fine raviole de mustelle et d’araignée, bouillon des carapaces aux agrumes, puis un pavé d’ombrine rôti aux artichauts et girolles fraîches et enfin un gâteau Dacquois aux noisettes de Cervione, glace nocciola. Formule au déjeuner (entrée – plat / plat – dessert) : 29 €. A la carte, compter 35 €. Ouvert tous les jours.

Villa Corse (Rive Gauche).164, boulevard de Grenelle. 75015-Paris. Tel : 01-53-86-70-81

Les dimsum succulents du Shang Palace (Hôtel Shangri-La)

Construit en 1896 pour le Prince Roland Bonaparte, petit-neveu de l’empereur Napoléon Ier, le bâtiment de la place d’Iena abrite depuis décembre 2010 l’Hôtel Shangri-La, un des nouveaux palaces parisiens. On attendait avec intérêt l’ouverture du restaurant chinois – le Shang Palace, avec ses trois salons privés, du nom des dynasties Tang, Ming et Qing – et l’arrivée d’un chef cantonais Frank Xu, originaire de Shenzhen, près de Hongkong. Le test devait être, évidemment, le service des dim-sum (raviolis) qui ont mauvaise presse à Paris depuis le scandale (2004) des « appartements-raviolis », des filières d’approvisionnement clandestin et de la congélation illicite, qui avaient jeté l’opprobre sur l’ensemble des restaurants asiatiques et fait lourdement chuter leur chiffre d’affaires. Les dim-sum, littéralement « cœur à petite touche », désignent un ensemble de mets de petite portion consommée dans la cuisine cantonaise. Il s’agit de bouchées enrobées en général d’une pâte de farine de riz, plus ou moins fine, composées de hachis de crevettes, porc, légumes, cuites à la vapeur, au four, dans une friture, ou encore vapeur et ensuite poêlées. Celles du Shang Palace sont absolument succulentes, d’une extrême délicatesse dans leur enrobage diaphane, servies avec des sauces qui en soulignent les saveurs différentes. Nous réserverons notre avis sur les autres plats de l’unique repas pris dans ce restaurant, après une nouvelle visite. De même que nous abstiendrons d’en commenter le prix, inaccessible, on s’en doute, au contribuable ordinaire.

Dans l’immensité chinoise, depuis la plus haute Antiquité le bien manger est une valeur positive conforme à l’ordre universel. Madame Song, dans la nouvelle Sous le même toit de l’écrivain contemporain Lu Xing’er, s’aperçoit de l’échec de son mariage lorsque son mari décide faire sa cuisine et de prendre ses repas à part ! La cuisine chinoise s’inscrit dans la théorie des cinq éléments qui règlent les énergies vitales. En effet, aux quatre saveurs qui constituent une convention partagée en Occident, les Chinois en ajoutent une cinquième l’insipide, le fade, car, selon Lao-Tseu, le Sage « savoure la non-saveur » Ce chiffre s’applique aussi, par convention, aux principales écoles culinaires de la Chine où l’on distingue la cuisine cantonaise, la cuisine pékinoise, la cuisine du Sichuan, celle de Fujian et celle du Hunan.

La cuisine cantonaise est la mieux connue des Européens. Cette région méridionale produit des fruits et des légumes en abondance qui, outre le riz d’obligation, accompagnent  le porc ainsi que les coquillages, les poissons et les crustacés, cuits à la vapeur, en friture ou au wok, relevés de sauce pimentée, de vinaigre ou de gingembre. Le Cantonnais consomme des produits frais et raffole des saveurs contrastées comme l’aigre-doux,  ou bien des oppositions fruit – viande et viande – poisson. Canton a aussi inventé le populaire chop suey, ce qui signifie « restes sautés aux germes de soja. »

Restaurant Shang Palace. 10, avenue d’Iena. 75116 – Paris. Tél. : 01-53-67-19-92 Fermé mardi et mercredi.

La Pulperia : empanadas de Fernando

 

 

 

Loulou de Bastille qui vient de laisser place à la Pulperia,  fut pendant des années un de ces bistrots où se retrouvaient, artisans, ouvriers, rapins et artistes. Des érémistes aussi, chômeurs et petits boulots, résistants à la normalisation, à la rénovation et au fast-food. Ils y trouvaient une cuisine ménagère, comme chez soi ou un peu mieux, et des vins naturels sans soufre. Le modèle, usé jusqu’à la corde, n’a pas survécu et, juste avant l’été, les nouveaux arrivants – Rachid Mezziani et le chef argentin Fernando di Tomaso – ont fait place nette. Ils ont gardé le zinc, vrai terroir des titis parisiens, et rafraîchi le décor. La nouvelle enseigne – Pulperia – s’appliquait autrefois, en Amérique du sud, à une sorte de magasin général, équivalent de nos bougnats, où l’on pouvait acheter ce qui est nécessaire à la vie quotidienne : alimentation, bougies, charbon… Aujourd’hui, ce terme désigne plutôt, en Amérique latine, une petite épicerie de proximité. L’œil rieur, le geste vif, Fernando entend renouveler sa carte au gré de l’humeur et du marché, avec toutefois quelques incontournables comme les empanadas, sorte de rissoles à bords festonnés, farcis de viande de bœuf hachée, avec un peu d’olives, d’oignons et de raisins assaisonnées au paprika et au cumin (12 €). Ce jour là, la carte, décidemment très éclectique, offrait à choisir aussi entre un foie gras cuit à la braise accompagné d’une crème de maïs douce ou bien une assiette versicolore de betteraves estivales (9 €). Soit trois entrées toutes savoureuses et raffinées. La grande affaire de la cuisine argentine, ce sont les asados (grillades), en l’occurrence une magnifique entrecôte (bife ancho de chorizo), persillée, juteuse, cuite à la perfection, soulignée d’un trait de chimichurri, sauce aillée et vinaigrée,  légèrement pimentée 24 €). Au menu du jour, figurait également la pluma ibérique (morceau de porc en forme de plume, situé dans le prolongement arrière du filet ou lomo), servi avec des carottes parfumées à la coriandre (21 €). Et encore un tronçon de cabillaud accompagné de quinoa bolivien (20 €). Un délice ! Deux desserts : chaud froid ananas / passion ou encore fondant au chocolat au jus de myrtilles. Les vins, parmi lesquels quelques bouteilles de l’ancienne cave, sont encore peu nombreux, mais équilibrés entre les provenances (Argentine, France…). L’accueil est bon enfant, empressé et direct. C’est une bonne table du 11ème, quartier vivant qui se transforme un peu plus chaque saison. Autres tables avoisinantes : Septime, Bistrot Paul Bert, Rino…

Formule au déjeuner : 18 € / 20 €. A la carte : 40 € -  Menu dégustation : 50 €

La Pulpéria. 11, rue Richard Lenoir. 75011-Paris. Tél : 01-40-09-03-70. Fermé le dimanche. (Ne pas confondre avec le Boulevard Richard Lenoir)

Chez Auguste, premières grouses d’Ecosse

Les grouses sont arrivées depuis quelques jours. Gaël Orieux, le chef du restaurant Auguste est sans doute le premier à les proposer depuis le début de la semaine. La date de l’ouverture de la chasse à la grouse (petit coq de bruyère) en Angleterre  est en effet traditionnellement fixée au 12 août (Glorious Twelfth) et sa fermeture au 10 décembre. Elle fait partie de la famille des Lagopèdes et possède un plumage couleur brun rougeâtre. Elle vit dans le nord des îles britanniques et en Ecosse où son habitat préféré se situe dans les landes de bruyères entre 300 et 600 m d’altitude. C’est un gibier de haut goût qui est souvent associé, en Ecosse, au whisky et à la marmelade d’orange. Chez Auguste, après avoir expérimenté plusieurs recettes assez sophistiquées (grouse cuite à la vapeur et servie nappée d’un fond de gibier déglacé au black whisky Loch Dhu) Gaël Orieux est revenu à une préparation plus classique et particulièrement savoureuse. Les chairs (suprêmes, pattes) sont mises à mariner une douzaine d’heures dans du whisky breton (Eddu) avec de l’ail et du thym. Elle sont ensuite disposées avec des bâtonnets de foie gras et un peu de chou préalablement cuit, sur une pâte feuilletée inversée (technique pâtissière) singée avec un peu de sarrasin. Le feuilletage enrobe l’ensemble afin de permettre une cuisson à l’étouffée d’une vingtaine de minutes. La sauce, obtenue avec les parures, la carcasse et la marinade, nappe délicatement l’assiette et développe de délicates nuances de sous bois, tandis que le whisky soutient le goût affirmé du gibier, prolongé par une poêlée de petits cèpes aillés et persillés. Un Gigondas 2007 du Domaine des Palières est le compagnon idéal de cette équipée. L’on pourra faire précéder ce plat de quelques ormeaux et seiches, cuits sur un lit de risetti à la façon d’une pælla ou bien d’agnolotti (ravioli) de tourteaux servis dans un bouillon parfumé. A la suite, s’impose, pour conclure, un fameux soufflé à la pistache.

Ancien second de Yannick Alleno au Meurice, le Breton Gaêl Orieux a eu un début de carrière très brillant depuis son apprentissage auprès de Yann Jacot (Le Toit de Passy) au sein des brigades de Senderens, Bocuse, Constant, Bouchet et Legendre. Sa recherche constante d’un équilibre des saveurs tient peut-être a ses origines bretonnes, une région où l’homme hésita longtemps à devenir paysan tant il avait tissé de liens avec la mer.

Menu au déjeuner : 35 €. A la carte, la grouse est facturée 50 €.

Auguste, 54, rue de Bourgogne. 75007 – Paris. Tél. : 01-45-51-61-09. Fermé samedi et dimanche.