La mode n’épargne pas la pâtisserie. Paris au XIXe siècle a connu une folie de galettes. La meilleure était fabriquée chez la mère Marie, à la barrière de Fontainebleau. L’on connaissait aussi la galette du Gymnase, à côté dudit Théâtre. Le pâtissier était surnommé le père Coupe-Toujours. Mais la mode insatiable emporta les Parisiens, rue de la Lune, au profit de la brioche qui avait remplacé la galette dans la faveur populaire. Quel est le ressort de la création pâtissière, l’air du temps, l’interprétation d’un répertoire pour la satisfaction des gourmands ?
Aujourd’hui, un esthétisme forcené s’est à nouveau emparé de la pâtisserie, comme dans les années 1980, lorsque les gâteaux légers, colorés à outrance, étaient réalisés avec des mousses lyophilisées prêtes à l’emploi, un peu d’eau et de crème Chantilly, afin d’obtenir une palette d’arômes coruscants.
L’obsession nouvelle est la géométrie et ses figures de base : le triangle, le cercle parfait. Et même le carré pour une galette des rois oublieuse de ses origines, le disque apollinien de Sol Invictus. Le macaron, c’est l’héritage italien, la corne d’abondance des reines Médicis, qui révéla aux gourmands ébahis les biscuits à la cuiller et les délicats macarons. Le macarone, à base d’amandes, d’un peu de sucre et de blanc d’oeuf, vient de Venise, craquant à l’enveloppe, fondant à l’intérieur. Depuis quelques années, il est parfumé à la rose, au basilic, au yuzu, et même à la truffe blanche ou au foie gras ! Ces parfums sont-ils naturels ? Il est permis d’en douter. Le sucre, surajouté, fait passer la potion.
Une nouvelle génération de pâtissiers voit les choses autrement. L’un des plus brillants, Hugues Pouget, 34 ans, à l’enseigne de Hugo & Victor (40, boulevard Raspail, Paris 7e) affiche clairement sa volonté de rompre avec la facilité. Pour lui, ” le sucre n’est qu’un assaisonnement, seul compte le goût “. La forme n’est pas une fin, elle reste soumise à l’inspiration, à la variété. Aucun additif, arômes ou colorants de synthèse n’entrent dans ses gâteaux. La gélatine ? ” Juste ce qu’il faut pour stabiliser une crème. ”
Une recette d’antan
Nous lui avons soumis une recette d’antan, baptisée ” crème Roguet ” dans un cahier de famille : une charlotte enveloppée de biscuits à la cuiller, composée en parts égales d’amandes en poudre, de beurre, de sucre, d’un verre de lait, d’une cuiller de farine, d’un oeuf (jaune et blanc dissociés) et d’un peu d’essence de café. Le jeune pâtissier s’est prêté au jeu de la reconstitution, savoureuse, mais peu conforme à la diététique d’aujourd’hui. Il s’est inspiré de cette base pour la faire évoluer en blanc-manger, supprimant le beurre et la farine et divisant la quantité de sucre par deux. Un détail, l’essence de café est remplacée par l’infusion, pendant vingt-quatre heures, de 20 g de café dans du lait, lequel est employé ensuite avec le sucre et la poudre d’amande, 6 g de gélatine et la crème montée. Le résultat est incomparable de légèreté, de précision des saveurs, un véritable hommage à la gourmandise. Cette charlotte, désormais appelée ” Tante Jeanne “, sera proposée chaque week-end pendant un mois à partir du 14 janvier (sur commande en semaine) au prix de 35 euros (4/6 parts). A accompagner d’un vieux Rivesaltes.
Hugo & Victor. 40, boulevard Raspail, Paris 7e