Voilà un bistrot délirant ! Oui, mais bon, ce qui n’est pas si fréquent, car il y a un chef en cuisine, un vrai, Didier Longiéras, ancien du Crillon et de la Tour d’Argent. Il met son savoir faire au service d’une jolie cuisine de brasserie avec des escargots finement assaisonnés d’un beurre d’ail, un foie gras aux pommes ou à la mangue, un millefeuille d’aubergines et flétan fumé… Chacune de ces entrées est proposée en portion dite normale ou bien « XL ». Ainsi la planche de charcuteries corses – Napoléon oblige – est-elle facturée 11€ ou18 €. Les « planches » sont garnies au fromage, aux poissons fumés ou bien aux légumes de saison. Les œufs bios, ce qui est plutôt rare, sont servis au plat ou brouillés, au bacon, au jambon fumé ou blanc. Deux plats du jour épatants : le lamb chop d’agneau et le bœuf bourguignon surtout, sans (mauvaise) surprise, fondant et servi avec une sauce délicate, ce qui est tout aussi rare. Les plats de la carte sont éclectiques : entrecôte et tartare, cabillaud aux herbes à la plancha, et aussi volumineux cheese burger. Même variété dans le choix des desserts, moelleux au chocolat et crème anglaise, crème brûlée et encore cheese cake dans la tradition new-yorkaise. Jusque là, rien que de presque classique dans la nouvelle bistronomie parisienne. Ce qui l’est moins c’est le décor, entièrement rénové de cet établissement, acquis depuis deux ans par Rafal Gruszkiewicz, et consacré, allez savoir pourquoi, à la célébration de l’empereur. Certes, le patron est d’origine polonaise, mais ce n’est ni la célébration du Grand-duché de Varsovie (1807-1815) créé par Napoléon, ni celle des Légions polonaises de l’armée française qui a présidé au choix d’une évocation décalée et passablement iconoclaste de l’Empire. Un portrait holographique du futur hôte de Sainte Hélène, se transforme selon l’angle du regard, en visage de Joséphine. Bon ! Des objets chinés d’origine slave ou anglaise rappellent les campagnes napoléoniennes. Il y aurait de quoi horrifier l’immense historien Jean Tulard, spécialiste de Napoléon, s’il n’était aussi l’auteur d’un charmant petit livre sur Les Pieds Nickelés de Forton. Voilà donc l’explication : ce bistrot, au cœur du Paris populaire, à l’angle des rues du Faubourg Saint Denis et des Petites Ecuries, est une annexe clandestine des pataphysiciens que sont, à la suite d’Alfred Jarry, les derniers pieds nickelés de notre époque. Rafal alias Raphael, le patron, jovial et débonnaire, est au demeurant, un hôte parfait veillant à l’efficacité du service. Seul bémol, la carte des vins est encore modeste.
Le Napoléon 73, rue du Faubourg Saint Denis. 75010 – Paris
Ouvert tous les jours, du lundi au vendredi : 8h – 2h – Samedi et dimanche : 9h – 2h
Compter de 15 € à 30 €