Au Gamin de Paris, les tripous viennent de l’Aveyron…en bocal.

Signalons d’abord qu’une erreur s’est glissée dans le numéro de téléphone (publié  dans Le Monde du 26 juillet 2001) à propos de cet établissement, qui, d’ailleurs n’apparaît pas sous son nom dans les pages jaunes de la Poste. Passons. Alors les tripous… ? J’y ai déjeuné samedi dernier avec des copains. Soyons bon prince, honnêtes sans plus. Qualificatif qui inclut aussi le prix : une douzaine d’euros, comme le fricandeau, le cassoulet, le chou farci ou les pieds et paquets qui étaient à la carte ce jour là. Tous ces plats ont une particularité : ils viennent du « pays », c’est-à-dire de l’Aveyron, mais en bocal. « Vous n’êtes pas chez Ledoyen ici », glapit le patron, grande gueule sympathique. L’art du cuisinier consiste à réchauffer ces plats de haute tradition. Bien. Quant aux pommes de terre qui accompagnent les tripous, impeccablement sphériques, elle ont été cuites sous-vide, à l’usine, genre Lunor ou équivalent. Leur consistance – hélas ! – s’en ressent. On l’aura compris, l’assiette au Gamin de Paris, ce n’est pas l’essentiel. Elle est un prétexte à boire des coups. Les habitués, anciens du show-biz des années 80, s’y retrouvent pour évoquer leurs souvenirs. Le chinon ou le bourgueil rafraîchissent la mémoire. On songe à l’écriteau placé au dessus du bar chez la Mère Fillioux à Lyon : « Ceux qui chantent après le repas, sont priés de ne pas monter sur les tables. »

Au Gamin de Paris. 55, rue de Doudeauville. 75018 – Paris. Tél. : 01-55-79-13-21

La Pizzetta Piu Grande, rue Caulaincourt (18è)

 

L’incroyable multiplication des pizzerias, phénomène national des années 1980,  pouvait laisser croire que la messe était dite. Depuis, la pizza a envahi les rues, motorisée, livrée en toute hâte par quelque Ciacco virevoltant entre les voitures pour rassasier, à la mi-temps, les supporteurs de l’équipe locale rivés devant les écrans de télévision. « Nous sommes dans une société où les pizzas arrivent plus vite que la police » constatait déjà Claude Chabrol. La Pizzetta Piu Grande, dirigée par Willy Auger – cousine de la Pizzetta de l’avenue Trudaine créée par Luca Benasciutti – est la dernière née de la famille des pizzerias branchées. Tout ici est dans l’accueil, courtois et efficace, et l’improvisation méthodique, cet heureux sentiment que l’on éprouve, à la table italienne, d’être affrontés aux bons petits diables de Dante. On y trouve une douzaine de “pizze” toutes cuites au four électrique. La première est la margherita – tomate, mozzarelle, basilic – c’est la pizza aux couleurs du drapeau italien, anoblie en 1889 par la Reine Marguerite (1851 – 1926) qui en raffolait. (Prix entre 11 € et 16, 50 €). A la farine complète, elles sont un peu plus chères. Sur la carte du jour, entrées classiques : délicieux légumes grillés, jambon San Daniele, mozzarella di bufala et bruschetta. Les pâtes, tagliolini, linguine, pennette, ravioli, trofie, fettucine, rigatoni, se disputent l’excellence, préparées respectivement, aux gambas, aux palourdes, à la tomate et aux anchois, au saumon et courgettes, au pistou, au safran et jambon, à la bolognaise. (Prix entre 14, 50 € et 18 €). Sèches, aux œufs ou fraîches, les pâtes représentent l’effort de l’imagination italienne pour anoblir l’aliment de base qu’est la farine. Les Italiens, pour leur bonheur et le nôtre, ont trouvé mille combinaisons de pâtes et de sauce qu’ils nous font partager. Traditionnellement, en Italie, après les pâtes vient le “secondi”. Ici le choix est restreint aux appétits parisiens : saltimbocca alla romana (escalopine de veau), calamars, thon, bœuf. Quelques desserts (panna cotta, tiramisu, glaces et sorbets) et une petite cave – à prix modérés – de vins de la Péninsule. Le soir, atmosphère survoltée, à l’italienne, musique d’ambiance et belle jeunesse. C’est ce que l’on attend d’une table italienne à Paris. Au déjeuner, en revanche, c’est beaucoup plus calme car les habitués sont les habitants du quartier.

Au déjeuner, formule : 17 €. A la carte, compter entre 25 € et 45 €.

La Pizzetta Piu Grande. 62, rue Caulaincourt.75018 – Paris. Tél. : 01-46-06-29-83. Ouvert tous les jours.

 

A Paris, le Potjevleesch de Graindorge

A Paris, le Potjevleesch se déguste chez Graindorge, certes différent de celui de sa province natale reconnaît le chef, puisque les viandes, « désossées après cuisson, sont reconstituées en terrine, pour en faciliter la découpe. » Cette adresse, toutefois, est une bonne initiation à la cuisine nordiste et à un de ses ingrédients favoris : la bière. La cuisine à la bière voit s’ouvrir tout l’éventail des saveurs jusqu’à une amplitude inconnue. C’est le passage rendu possible pour le cuisinier du sucré à l’amer : lier une sauce, la détendre, ou au contraire la réduire, permet d’appeler à la rescousse toutes les saveurs adjacentes et d’en jouer avec habileté. Bernard Broux, enfant du pays, y excelle dans une simple soupe crémeuse à la bière, lard et croûtons et quelques plats de saison dans lesquels, toujours, la fine amertume s’associe aux saveurs les plus variées. Mais le menu-carte du jour réserve aussi d’autres bonnes surprises, comme la ravigote de tête et langue de veau et légumes du pot-au-feu, la grosse bintje farcie de morue en brandade, l’admirable dos de cabillaud rôti au genièvre ou encore le waterzoï de la mer aux crevettes grises d’Ostende. Quelques desserts fameux, des bières artisanales, une cave garnie et un service d’une parfaite courtoisie. Une table qui rompt avec les usages – et les prix – du quartier des Champs-Élysées.

Menus : 28,00 – 55,00€ entrée, plat, dessert, hors boisson. Carte : 45,00€ entrée, plat, dessert, hors boisson

Graindorge. 15, rue de l’Arc-de-Triomphe, 75017 Paris. Tél. : 01 47 64 33 47. Fermé samedi midi et dimanche.

A l’Agapè Substance, cuisine instantanéiste

On connaissait le « ballet instantanéiste de Erik Satie sur un argument de Picabia » magnifiquement filmé par René Clair en 1924 qui montrait les deux compères sur le toit du Théâtre des Champs Elysées en train de tirer au canon sur Paris, un temps fort du mouvement Dada et du surréalisme. Mais jusque là, la cuisine – pardon, la gastronomie – n’avait été que marginalement concernée par cette philosophie de l’instant. L’artiste culinaire Gilles Stassart, s’y était frotté, aux cotés de Laurent Grasso, sur le toit (tiens, tiens !) du Palais de Tokyo pendant ses deux années aux commandes du restaurant éphémère Nomiya, sans pour autant faire école. Aujourd’hui, David Toutain et Laurent Lapaire se sont attelés au projet de créer un « restaurant gastronomique » sous le forme d’un comptoir / table d’hôte, afin d’exprimer sans mystère, une cuisine « centrée sur le produit – les textures étant les substances » dans un décor épuré, pour ne pas dire minimaliste. Imaginez une vingtaine de places situées de part et d’autre d’une table fixe, plus trois tables de deux couverts, et autant de sièges haut perchés, reproduisant à l’identique les fameux tabourets créés en 1958 par Ludwig Mies van der Rohe, pour le restaurant new-yorkais Four Seasons.

Aux murs, des miroirs feuilletés avec films dégradés, créés pour l’occasion, s’efforcent de donner du volume à l’espace tout en longueur du restaurant.

La carte, elle aussi, est minimaliste : on en jugera par la photo !

Œuf, courgette, tourteau… Ce sont les produits (les substances ?) du jour. A partir de l’œuf, le jeune chef David Toutain proposera un velouté d’ail nouveau à la verveine. De la courgette, il fera une déclinaison de 5 à 6 variétés cuites à basse température avec citron de Menton et consommé de crevettes grises. Il associera la girolle à la benoîte urbaine (plante au parfum de clou de girofle),  le veau sera mariné avec de l’olive noire, la cerise mariée à la pistache…

Le chef garde l’entière maîtrise du jeu culinaire, même s’il montre son savoir-faire, avec une très petite équipe de cuisine qui s’affaire dans le prolongement du comptoir. Le jeu – car c’est un jeu culinaire – pourrait passer pour du bonneteau (- Où est passé le pigeon ? Voici la girolle.. Mais non c’est du veau !) ou bien  pour une nouvelle version du « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » si apprécié dans le boboland parisien. Néanmoins, les saveurs sont lisibles, les goûts justes et le plaisir est au rendez-vous, à la condition d’avoir un oeil sur les prix ( voir photo). Les vins sont choisis avec un réel discernement et l’accueil est d’une grande attention. Pour un déjeuner (ou un dîner) entre compères et lurons.

Déjeuner : 3 plats : 39 euros. Diner : 4 plats : 51 euros

Restaurant Agapé Substance. 66, rue Mazarine. Paris 6è. Tél. : 01 43 29 33 83 fermé dimanche et lundi.


Au “Braisenville”, cuisine sur charbons ardents

Il y a plusieurs façons de manger : selon la tradition, par une « approche prudente du plaisir », une autre qui considère la nourriture comme un jeu« un amusement, une forme de permissivité, une caresse des sens », la troisième façon de se nourrir met en scène la nouveauté« la créativité » conjointe du cuisiniers et du dîneur…Ces observations de l’historien anglais Théodore Zeldin, l’un des plus fins observateurs des mœurs alimentaires françaises, s’applique à merveille à cette nouvelle table qui expérimente un compromis entre ces trois critères. Elle est ouverte depuis deux mois – le soir seulement pour l’instant -  dans le quartier de Pigalle.

La tradition, c’est le four à charbon muni de deux grils et d’une plaque chaude, destinés au rôtissage, au grillage et accessoirement à la cuisson en croûte. Four puissant capable de produire une température de 350°. C’est l’outil idéal pour cuire une côte de bœuf de Black Angus, saignante et chaude, une côte de porcelet moelleuse, un onglet de veau cuit doucement ou bien un magret de canard saisi et rosé. Ici pas de cuisson sous vide qui assure la tendresse d’une viande, mais bien souvent, laisse de coté saveurs et textures. Accessoirement ce mode du cuisson justifie le nom de l’établissement : braise…Braisenville, il fallait y penser !

Le jeu réside dans les petites portions, appelées raciones, chaque mini plat n’excédant pas trois ou quatre bouchées. Ainsi le ris de veau, petit pois et menthe, l’onglet de veau, courgette, basilic, ananas, ou le magret de canard, avocat et coriandre. Chacune de ces raciones, coûte environ 10 €. Sauf la côte de bœuf à partager : 48 € pour une pièce de 1 kg.

La créativité, se manifeste dans la nature même des assemblages de saveurs : une cote de porcelet associée au caramel d’orange et au fenouil, par exemple ; ou bien un ceviche de lieu jaune, roquette, pomme granny et gingembre.  Les desserts (6 €) : fondant à la pâte d’amande, framboise et crème ou bien chocolat, fraises et poivre sauvage du Vietnam, relèvent de la même démarche.

Une précision : les produits sont d’excellente qualité ; tous les légumes sont bio.Un repas « normal »  c’est trois raciones, plus un plat sucré. Le décor est à l’unisson, coloré, insolite, acidulé, un peu cheap, mais confortable, new-yorkais pour tout dire.

Aux manettes, Philippe Baranès qui s’est illustré autrefois dans la restauration rapide de qualité, passionné par la fabrication du pain (Moulin de la Vierge) et Jimmy Nival, ancien chef des Fontaines à Uzès (Gard).

Les prix : 12 raciones de 5 à 12 € / 3 desserts à 6€) + la côte de bœuf (1 kg) : 48 €.

Braisenville. 36, rue Condorcet 75009 – Paris  Tél. : 09 50 91 21 74 – Ouvert le soir. Fermé le dimanche.

Terrasse avec vue : sur le toit du Warwick…

Les terrasses se sont multipliées depuis la législation contre le tabagisme. L’été venu, c’est, à Paris, le plaisir de se nourrir comme si l’on prenait un acompte sur les vacances. Pour prendre de la hauteur, la Maison blanche, édifiée sur le toit du Théâtre des Champs-Elysées, offre désormais une terrasse à ciel ouvert qui donne sur l’avenue Montaigne. Sur le toit du Musée des arts premiers, au restaurant Les Ombres, la vue sur la tour Eiffel comme la voyait le peintre Delaunay, est saisissante. Aux abords des Champs-Elysées, rue de Berri, l’Hôtel Warwick transporte son restaurant au 8ème étage avec une jolie vue sur la Tour Eiffel et les toits de Paris. C’est une adresse presque confidentielle où un personnel efficace et dévoué a su attirer une clientèle fidèle grâce à une cuisine raffinée, moderne sans excès, obtenue avec d’excellents produits et un service aux petits soins. Le chef, Dorian Wickart (30 ans) est un passionné. Il a fait son apprentissage à la Tour d’Argent. Ensuite, Potel et Chabot, à nouveau la Tour d’Argent comme chef de partie, et La Marée. Il a obtenu son premier poste de chef chez Charlot, Roi du coquillage, en 2009. Le voici depuis plus d’un an à la tête du Warwick où il a su convaincre la direction de réaliser pendant tout l’été une cuisine de saison au barbecue. Attention, pas n’importe quel BBQ, mais la Roll’s du secteur, le barbecue Weber, sur lequel il cuisine un homard breton au grill avec ragoût de légumes au jus, fait cuire doucement un blanc de turbot à la tombée d’épinards, une côte de bœuf ou une côte de veau. Le saumon, mi fumé juste saisi est une petite merveille. Parmi les entrées, vaste choix entre le tourteau à l’avocat, le maquereau au vin blanc, les gambas ou le jambon ibérique. Dessert gourmand autour de la fraise, glaces et sorbets. Ne pas hésiter à s’arrêter au menu du jour (35 €)  qui propose trois entrées, trois plats dont un tartare de Charolais coupé au couteau et pommes grenailles et trois desserts.

Formule (entrée / plat ou bien plat /dessert) : 29 € – Menu W : 35 €. A la carte, compter 60 €

Terrasse Warwick. 5 Rue de Berri – 75008 Paris. Tél. : 01-45-63-14-11. Ouvert en août. Fermé samedi et dimanche. Voiturier et parking en sous-sol.

Autres terrasses parisiennes :

L’Absinthe. 24, place du marché Saint-Honoré. 75001 – Paris. Tél. : 01-49-26-90-04. Fermé sam. midi et dim.

Laurent. 41, avenue Gabriel.75008 – Paris.Tél. : 01-42-25-00-39. Fermé sam. midi et dim. Voit.

La Grande Cascade. Allée de Longchamp.75116 – Paris. Tél. : 01-45-27-33-51. Tous les jours. Voit.

La Cagouille. 10, place Constantin Brancusi.75014 – Paris. Tél. : 01-43-22-09-01. ts les jours.

La Terrasse Mirabeau. 5, place de Barcelone.75016 – Paris. Tél. : 01-42-24-41-51. Fermé sam. midi et dim. Voit.

Le Coq de la Maison Blanche. 37, boulevard Jean Jaurès. 93400 – Saint Ouen. Tél. : 01-40-11-67-68. Fermé dimanche.