Au Gamin de Paris, les tripous viennent de l’Aveyron…en bocal.

Signalons d’abord qu’une erreur s’est glissée dans le numéro de téléphone (publié  dans Le Monde du 26 juillet 2001) à propos de cet établissement, qui, d’ailleurs n’apparaît pas sous son nom dans les pages jaunes de la Poste. Passons. Alors les tripous… ? J’y ai déjeuné samedi dernier avec des copains. Soyons bon prince, honnêtes sans plus. Qualificatif qui inclut aussi le prix : une douzaine d’euros, comme le fricandeau, le cassoulet, le chou farci ou les pieds et paquets qui étaient à la carte ce jour là. Tous ces plats ont une particularité : ils viennent du « pays », c’est-à-dire de l’Aveyron, mais en bocal. « Vous n’êtes pas chez Ledoyen ici », glapit le patron, grande gueule sympathique. L’art du cuisinier consiste à réchauffer ces plats de haute tradition. Bien. Quant aux pommes de terre qui accompagnent les tripous, impeccablement sphériques, elle ont été cuites sous-vide, à l’usine, genre Lunor ou équivalent. Leur consistance – hélas ! – s’en ressent. On l’aura compris, l’assiette au Gamin de Paris, ce n’est pas l’essentiel. Elle est un prétexte à boire des coups. Les habitués, anciens du show-biz des années 80, s’y retrouvent pour évoquer leurs souvenirs. Le chinon ou le bourgueil rafraîchissent la mémoire. On songe à l’écriteau placé au dessus du bar chez la Mère Fillioux à Lyon : « Ceux qui chantent après le repas, sont priés de ne pas monter sur les tables. »

Au Gamin de Paris. 55, rue de Doudeauville. 75018 – Paris. Tél. : 01-55-79-13-21

La Pizzetta Piu Grande, rue Caulaincourt (18è)

 

L’incroyable multiplication des pizzerias, phénomène national des années 1980,  pouvait laisser croire que la messe était dite. Depuis, la pizza a envahi les rues, motorisée, livrée en toute hâte par quelque Ciacco virevoltant entre les voitures pour rassasier, à la mi-temps, les supporteurs de l’équipe locale rivés devant les écrans de télévision. « Nous sommes dans une société où les pizzas arrivent plus vite que la police » constatait déjà Claude Chabrol. La Pizzetta Piu Grande, dirigée par Willy Auger – cousine de la Pizzetta de l’avenue Trudaine créée par Luca Benasciutti – est la dernière née de la famille des pizzerias branchées. Tout ici est dans l’accueil, courtois et efficace, et l’improvisation méthodique, cet heureux sentiment que l’on éprouve, à la table italienne, d’être affrontés aux bons petits diables de Dante. On y trouve une douzaine de “pizze” toutes cuites au four électrique. La première est la margherita – tomate, mozzarelle, basilic – c’est la pizza aux couleurs du drapeau italien, anoblie en 1889 par la Reine Marguerite (1851 – 1926) qui en raffolait. (Prix entre 11 € et 16, 50 €). A la farine complète, elles sont un peu plus chères. Sur la carte du jour, entrées classiques : délicieux légumes grillés, jambon San Daniele, mozzarella di bufala et bruschetta. Les pâtes, tagliolini, linguine, pennette, ravioli, trofie, fettucine, rigatoni, se disputent l’excellence, préparées respectivement, aux gambas, aux palourdes, à la tomate et aux anchois, au saumon et courgettes, au pistou, au safran et jambon, à la bolognaise. (Prix entre 14, 50 € et 18 €). Sèches, aux œufs ou fraîches, les pâtes représentent l’effort de l’imagination italienne pour anoblir l’aliment de base qu’est la farine. Les Italiens, pour leur bonheur et le nôtre, ont trouvé mille combinaisons de pâtes et de sauce qu’ils nous font partager. Traditionnellement, en Italie, après les pâtes vient le “secondi”. Ici le choix est restreint aux appétits parisiens : saltimbocca alla romana (escalopine de veau), calamars, thon, bœuf. Quelques desserts (panna cotta, tiramisu, glaces et sorbets) et une petite cave – à prix modérés – de vins de la Péninsule. Le soir, atmosphère survoltée, à l’italienne, musique d’ambiance et belle jeunesse. C’est ce que l’on attend d’une table italienne à Paris. Au déjeuner, en revanche, c’est beaucoup plus calme car les habitués sont les habitants du quartier.

Au déjeuner, formule : 17 €. A la carte, compter entre 25 € et 45 €.

La Pizzetta Piu Grande. 62, rue Caulaincourt.75018 – Paris. Tél. : 01-46-06-29-83. Ouvert tous les jours.

 

A Paris, le Potjevleesch de Graindorge

A Paris, le Potjevleesch se déguste chez Graindorge, certes différent de celui de sa province natale reconnaît le chef, puisque les viandes, « désossées après cuisson, sont reconstituées en terrine, pour en faciliter la découpe. » Cette adresse, toutefois, est une bonne initiation à la cuisine nordiste et à un de ses ingrédients favoris : la bière. La cuisine à la bière voit s’ouvrir tout l’éventail des saveurs jusqu’à une amplitude inconnue. C’est le passage rendu possible pour le cuisinier du sucré à l’amer : lier une sauce, la détendre, ou au contraire la réduire, permet d’appeler à la rescousse toutes les saveurs adjacentes et d’en jouer avec habileté. Bernard Broux, enfant du pays, y excelle dans une simple soupe crémeuse à la bière, lard et croûtons et quelques plats de saison dans lesquels, toujours, la fine amertume s’associe aux saveurs les plus variées. Mais le menu-carte du jour réserve aussi d’autres bonnes surprises, comme la ravigote de tête et langue de veau et légumes du pot-au-feu, la grosse bintje farcie de morue en brandade, l’admirable dos de cabillaud rôti au genièvre ou encore le waterzoï de la mer aux crevettes grises d’Ostende. Quelques desserts fameux, des bières artisanales, une cave garnie et un service d’une parfaite courtoisie. Une table qui rompt avec les usages – et les prix – du quartier des Champs-Élysées.

Menus : 28,00 – 55,00€ entrée, plat, dessert, hors boisson. Carte : 45,00€ entrée, plat, dessert, hors boisson

Graindorge. 15, rue de l’Arc-de-Triomphe, 75017 Paris. Tél. : 01 47 64 33 47. Fermé samedi midi et dimanche.

A l’Agapè Substance, cuisine instantanéiste

On connaissait le « ballet instantanéiste de Erik Satie sur un argument de Picabia » magnifiquement filmé par René Clair en 1924 qui montrait les deux compères sur le toit du Théâtre des Champs Elysées en train de tirer au canon sur Paris, un temps fort du mouvement Dada et du surréalisme. Mais jusque là, la cuisine – pardon, la gastronomie – n’avait été que marginalement concernée par cette philosophie de l’instant. L’artiste culinaire Gilles Stassart, s’y était frotté, aux cotés de Laurent Grasso, sur le toit (tiens, tiens !) du Palais de Tokyo pendant ses deux années aux commandes du restaurant éphémère Nomiya, sans pour autant faire école. Aujourd’hui, David Toutain et Laurent Lapaire se sont attelés au projet de créer un « restaurant gastronomique » sous le forme d’un comptoir / table d’hôte, afin d’exprimer sans mystère, une cuisine « centrée sur le produit – les textures étant les substances » dans un décor épuré, pour ne pas dire minimaliste. Imaginez une vingtaine de places situées de part et d’autre d’une table fixe, plus trois tables de deux couverts, et autant de sièges haut perchés, reproduisant à l’identique les fameux tabourets créés en 1958 par Ludwig Mies van der Rohe, pour le restaurant new-yorkais Four Seasons.

Aux murs, des miroirs feuilletés avec films dégradés, créés pour l’occasion, s’efforcent de donner du volume à l’espace tout en longueur du restaurant.

La carte, elle aussi, est minimaliste : on en jugera par la photo !

Œuf, courgette, tourteau… Ce sont les produits (les substances ?) du jour. A partir de l’œuf, le jeune chef David Toutain proposera un velouté d’ail nouveau à la verveine. De la courgette, il fera une déclinaison de 5 à 6 variétés cuites à basse température avec citron de Menton et consommé de crevettes grises. Il associera la girolle à la benoîte urbaine (plante au parfum de clou de girofle),  le veau sera mariné avec de l’olive noire, la cerise mariée à la pistache…

Le chef garde l’entière maîtrise du jeu culinaire, même s’il montre son savoir-faire, avec une très petite équipe de cuisine qui s’affaire dans le prolongement du comptoir. Le jeu – car c’est un jeu culinaire – pourrait passer pour du bonneteau (- Où est passé le pigeon ? Voici la girolle.. Mais non c’est du veau !) ou bien  pour une nouvelle version du « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » si apprécié dans le boboland parisien. Néanmoins, les saveurs sont lisibles, les goûts justes et le plaisir est au rendez-vous, à la condition d’avoir un oeil sur les prix ( voir photo). Les vins sont choisis avec un réel discernement et l’accueil est d’une grande attention. Pour un déjeuner (ou un dîner) entre compères et lurons.

Déjeuner : 3 plats : 39 euros. Diner : 4 plats : 51 euros

Restaurant Agapé Substance. 66, rue Mazarine. Paris 6è. Tél. : 01 43 29 33 83 fermé dimanche et lundi.


Au “Braisenville”, cuisine sur charbons ardents

Il y a plusieurs façons de manger : selon la tradition, par une « approche prudente du plaisir », une autre qui considère la nourriture comme un jeu« un amusement, une forme de permissivité, une caresse des sens », la troisième façon de se nourrir met en scène la nouveauté« la créativité » conjointe du cuisiniers et du dîneur…Ces observations de l’historien anglais Théodore Zeldin, l’un des plus fins observateurs des mœurs alimentaires françaises, s’applique à merveille à cette nouvelle table qui expérimente un compromis entre ces trois critères. Elle est ouverte depuis deux mois – le soir seulement pour l’instant -  dans le quartier de Pigalle.

La tradition, c’est le four à charbon muni de deux grils et d’une plaque chaude, destinés au rôtissage, au grillage et accessoirement à la cuisson en croûte. Four puissant capable de produire une température de 350°. C’est l’outil idéal pour cuire une côte de bœuf de Black Angus, saignante et chaude, une côte de porcelet moelleuse, un onglet de veau cuit doucement ou bien un magret de canard saisi et rosé. Ici pas de cuisson sous vide qui assure la tendresse d’une viande, mais bien souvent, laisse de coté saveurs et textures. Accessoirement ce mode du cuisson justifie le nom de l’établissement : braise…Braisenville, il fallait y penser !

Le jeu réside dans les petites portions, appelées raciones, chaque mini plat n’excédant pas trois ou quatre bouchées. Ainsi le ris de veau, petit pois et menthe, l’onglet de veau, courgette, basilic, ananas, ou le magret de canard, avocat et coriandre. Chacune de ces raciones, coûte environ 10 €. Sauf la côte de bœuf à partager : 48 € pour une pièce de 1 kg.

La créativité, se manifeste dans la nature même des assemblages de saveurs : une cote de porcelet associée au caramel d’orange et au fenouil, par exemple ; ou bien un ceviche de lieu jaune, roquette, pomme granny et gingembre.  Les desserts (6 €) : fondant à la pâte d’amande, framboise et crème ou bien chocolat, fraises et poivre sauvage du Vietnam, relèvent de la même démarche.

Une précision : les produits sont d’excellente qualité ; tous les légumes sont bio.Un repas « normal »  c’est trois raciones, plus un plat sucré. Le décor est à l’unisson, coloré, insolite, acidulé, un peu cheap, mais confortable, new-yorkais pour tout dire.

Aux manettes, Philippe Baranès qui s’est illustré autrefois dans la restauration rapide de qualité, passionné par la fabrication du pain (Moulin de la Vierge) et Jimmy Nival, ancien chef des Fontaines à Uzès (Gard).

Les prix : 12 raciones de 5 à 12 € / 3 desserts à 6€) + la côte de bœuf (1 kg) : 48 €.

Braisenville. 36, rue Condorcet 75009 – Paris  Tél. : 09 50 91 21 74 – Ouvert le soir. Fermé le dimanche.

Terrasse avec vue : sur le toit du Warwick…

Les terrasses se sont multipliées depuis la législation contre le tabagisme. L’été venu, c’est, à Paris, le plaisir de se nourrir comme si l’on prenait un acompte sur les vacances. Pour prendre de la hauteur, la Maison blanche, édifiée sur le toit du Théâtre des Champs-Elysées, offre désormais une terrasse à ciel ouvert qui donne sur l’avenue Montaigne. Sur le toit du Musée des arts premiers, au restaurant Les Ombres, la vue sur la tour Eiffel comme la voyait le peintre Delaunay, est saisissante. Aux abords des Champs-Elysées, rue de Berri, l’Hôtel Warwick transporte son restaurant au 8ème étage avec une jolie vue sur la Tour Eiffel et les toits de Paris. C’est une adresse presque confidentielle où un personnel efficace et dévoué a su attirer une clientèle fidèle grâce à une cuisine raffinée, moderne sans excès, obtenue avec d’excellents produits et un service aux petits soins. Le chef, Dorian Wickart (30 ans) est un passionné. Il a fait son apprentissage à la Tour d’Argent. Ensuite, Potel et Chabot, à nouveau la Tour d’Argent comme chef de partie, et La Marée. Il a obtenu son premier poste de chef chez Charlot, Roi du coquillage, en 2009. Le voici depuis plus d’un an à la tête du Warwick où il a su convaincre la direction de réaliser pendant tout l’été une cuisine de saison au barbecue. Attention, pas n’importe quel BBQ, mais la Roll’s du secteur, le barbecue Weber, sur lequel il cuisine un homard breton au grill avec ragoût de légumes au jus, fait cuire doucement un blanc de turbot à la tombée d’épinards, une côte de bœuf ou une côte de veau. Le saumon, mi fumé juste saisi est une petite merveille. Parmi les entrées, vaste choix entre le tourteau à l’avocat, le maquereau au vin blanc, les gambas ou le jambon ibérique. Dessert gourmand autour de la fraise, glaces et sorbets. Ne pas hésiter à s’arrêter au menu du jour (35 €)  qui propose trois entrées, trois plats dont un tartare de Charolais coupé au couteau et pommes grenailles et trois desserts.

Formule (entrée / plat ou bien plat /dessert) : 29 € – Menu W : 35 €. A la carte, compter 60 €

Terrasse Warwick. 5 Rue de Berri – 75008 Paris. Tél. : 01-45-63-14-11. Ouvert en août. Fermé samedi et dimanche. Voiturier et parking en sous-sol.

Autres terrasses parisiennes :

L’Absinthe. 24, place du marché Saint-Honoré. 75001 – Paris. Tél. : 01-49-26-90-04. Fermé sam. midi et dim.

Laurent. 41, avenue Gabriel.75008 – Paris.Tél. : 01-42-25-00-39. Fermé sam. midi et dim. Voit.

La Grande Cascade. Allée de Longchamp.75116 – Paris. Tél. : 01-45-27-33-51. Tous les jours. Voit.

La Cagouille. 10, place Constantin Brancusi.75014 – Paris. Tél. : 01-43-22-09-01. ts les jours.

La Terrasse Mirabeau. 5, place de Barcelone.75016 – Paris. Tél. : 01-42-24-41-51. Fermé sam. midi et dim. Voit.

Le Coq de la Maison Blanche. 37, boulevard Jean Jaurès. 93400 – Saint Ouen. Tél. : 01-40-11-67-68. Fermé dimanche.

 

VIN CHAI MOI, j’ai de bonnes bouteilles

Bien manger certes, c’est le souci de chacun, mais où, avec qui, autour d’une table au menu choisi ? Cela n’est pas si facile aujourd’hui dans Paris  qui fut la capitale de l’Europe civilisée des Lumières, puis celle du XIX° siècle et où se fit, au siècle passé, l’invention de la haute cuisine française. Les restaurants: élargissent l’espace de la ville. Leur nombre semble une infinité d’étoiles sur la voûte céleste. Les Parisiens, n’ont de cesse d’y courir, de l’un à l’autre et de quartiers à quartiers.  Le restaurant est le bon prétexte de changer de ville dans la ville, de pérégriner de quartiers à quartiers, pour trouver à la fois une bouffée de vie que le centre réifié souvent refuse, une société qui sait elle-même se coopter, une table aimable et familière ou bien les jours d’orgueil quelque maison grandiose. On laisse le temps de  s’y prélasser, les rêveries ou les conversations s’établir.

Le mauvais restaurant est paradoxalement la “machine à succès” , qui voit en une soirée passer plusieurs régiments de clients, groupés par services, régulièrement relevés et incités au départ par l’arrivée d’une addition que l’on n’a pas demandé. Combien de restaurants à la mode ne sont que cela, des endroits de presse, étrangers au plaisir de la vie ?

Ce n’est pas ainsi que Luc et Delphine Ménier conçoivent leur métier. Le voudraient-il, d’ailleurs, que l’espace atypique – sur trois niveaux desservis par un escalier à vis – ne s’y prêterait guère. Cette contrainte, ils l’ont réglée autrement, en vrais professionnels. Le sous-sol, voûté en pierres apparentes, est dévolu aux soirées de dégustation, et repas entre amis autour de quelques bouteilles. A rez-de-chaussée, trois ou quatre tables pour caler une petite faim, alternative aux sandouicheries et autres néfastes food, à profusion dans le quartier. Pour le reste, c’est à l’étage que ça se passe dans plusieurs salons successifs, isolés sans nuire à la convivialité. La grande affaire, ici, ce sont les vins, des simples bouteilles de vignerons passionnés aux grands crus de garde, vendus à des prix extrêmement raisonnables.  C’est en voyant la carte des vins, et les vestiges de quelques flacons prestigieux dans les vitrines, que l’on saisit le sens caché de l’enseigne (vin / chai / moi) au delà de l’allusion au film boulevardier de Patrice Leconte.

Le chef, Fabrice Mangin, n’est pas un débutant, qui à connu les brigades  de Jacques Sénéchal aux Célébrités et de Henri Charvet au Comte de Gascogne à Boulogne. De lui aussi, on peut dire qu’il a de la bouteille ! Cuisine saisonnière, comme il se doit, dont le sommet (voir photo) est un millefeuille de sardines fraîches et concassé de tomates, mordant de fraîcheur et d’une douce acidité. Sinon, foie gras de canard des plus classiques, fin et onctueux. Parmi les poissons, relevons un filet de bar au fenouil et pignon, ou bien une sole meunière à l’estragon (herbes délicieuse longtemps oubliée par les fanatiques du wasabi). Seule incongruité, l’huile de truffe dont se passerait volontiers le velouté glacé de langoustine. En revanche, la côte de veau poêlée minute aux haricots verts et pois gourmand, jus corsé et surtout la côte de bœuf à la plancha et frites à l’ancienne, sont préparées sans artifice, dans une totale transparence du produit. Pour achever le repas, ronde des desserts classique, sorbets, moelleux au chocolat, tarte fine aux pommes, soufflé au Grand Marnier, fraise en millefeuille. Grâce à un service attentif et discret, un sommelier d’envergure – le patron en personne – un repas au Vin Chai Moi devrait réjouir les gourmets sans trop dégarnir leur portefeuille.

Menu dégustation (entrée, poisson, viande, dessert) : 49 € Formule déjeuner entrée/plat à 19€ et 24€ avec un dessert.

Vin chai moi, 18 rue Duphot, 75001. Tél. : 01-40-15-06-69

Site internet : www.vin-chai-moi.fr. Ouvert le midi du lundi au vendredi et le soir du mardi au samedi.

 

 

 

 

 

L’étonnant canard pékinois du Restaurant Chen

Second service du canard pékinois

 

 

Il faut absolument, au moins une fois dans la vie d’un gourmand, ou simplement d’un curieux, déguster un canard pékinois préparé selon la tradition. C’est un des grands plats de la cuisine mondiale et une véritable curiosité, en Chine même, puisqu’il s’agit selon toute vraisemblance, d’une recette d’origine Moghol. A Paris, la référence incontestable est le Canard « Mr. Chen » en trois services, du nom du cuisinier, disparu en 2003, qui avait mis au point la recette et le protocole d’exécution que sa veuve, Véronique Chen, respecte scrupuleusement depuis lors. Plumé, éviscéré, soigneusement épilé, le canard est soumis à une préparation traditionnelle. Le décollement de l’enveloppe du canard – la peau – s’effectue, après l’abattage, sous la double action d’une pompe à air dont l’embout est glissé sous l’épiderme du palmipède et d’un massage efficace du canardier. Semblable à un ballon de rugby, le canard est alors placé sur un hâtelet, cloué par le bec au moyen d’un porte aiguille. Ebouillanté à l’eau vinaigrée, il est badigeonné à plusieurs reprises d’un mélange de miel, de soja et d’alcool de riz. Suspendu dans un endroit ventilé, le canard est mis à sécher pendant vingt quatre heures. La cuisson interviendra, à la commande, dans une simple étuve qui, en vingt minutes, donnera une peau croustillante et parcheminée. Dans le même temps, la cuisine est affairée à la préparation d’une sauce caramélisée d’huile de sésame, de pâte de haricot, de soja, de sucre et d’eau. L’on prépare aussi les fines crêpes de riz et on cisèle la ciboule. Au restaurant Chen, c’est sous le regard vigilant de Madame Chen – et souvent de sa propre main – qu’intervient la découpe du canard en salle, sur un guéridon. La crêpe de riz, nappée de sauce, garnie de ciboule reçoit un rectangle de peau chaude et croustillante, qu’il convient – avec les baguettes – de rouler en forme de pannequet. Saveurs miellées, textures nuancées, ingrédients aux températures variées, c’est tout le savoir faire de l’art culinaire chinois au service du sublime volatile.

Le second service est consacré à la dégustation de la chair du canard sous trois formes  distinctes ou parfois juxtaposées dans l’assiette :

-  à la pékinoise, chair émincée, sautée au wok avec du gingembre frais, des herbes, sel et poivre ;

-  en noisettes, servies avec un fond clair de canard et gingembre frais

-  avec un fond de canard, aubergines confites et vinaigre de riz.

L’accompagnement est habituellement composé de nouilles de blé cuites à la vapeur, pointes de soja et parties vertes de la ciboule.

Le troisième service est un bouillon de canard dégraissé et parfumé destiné à conclure le repas.

Pendant les dix années passées à la tête de son établissement, le chef Chen a formé une équipe soudée et solidaire, en lui faisant partager son savoir. Il mettait en pratique la sage maxime de Confucius : « Quand vous plantez une graine une fois, vous obtenez une seule et unique récolte. Quand vous instruisez les gens, vous en obtenez cent. » L’équipe de cuisine que dirige aujourd’hui Véronique Chen, ainsi que son directeur, Jean Le Gloahec (qui fit l’ouverture du Maxim’s Pékin créé par Pierre Cardin en 1982) met un point d’honneur à sélectionner les produits toujours avec la même exigence et à suivre à la lettre la recette du maître Fung-Ching Chen.

Premier chinois étoilé au Michelin

En 1999, le Guide Michelin avait reconnu cet effort en accordant une première étoile. Elle fut conservée à l’établissement jusqu’en 2006, après la mort du chef Chen survenue en 2003. Et puis subitement, le restaurant disparut du guide.

L’année précédente, la démolition de la dalle Beaugrenelle dans le secteur du restaurant Chen avait commencé dans le bruit des pelleteuses, la noria des camions et des bétonnières le long des palissades envahissantes rendant son accès quasi impossible. Voilà l’unique raison à nos yeux, de la disparition de ce restaurant parmi les tables étoilées de la capitale, puis sa pure et simple suppression, alors même que le niveau de la cuisine était resté constant. Le guide Michelin, qui prétend n’accorder ses étoiles qu’en fonction de la qualité de l’assiette, était pris une nouvelle foi au piège de l’obscurité de ses critères. Après ces « années de béton », les travaux ayant cessé depuis un an, le restaurant Chen est à nouveau mentionné dans le Michelin, mais il n’a toujours pas retrouvé son étoile.

 

Au déjeuner : menu 40 € – Demi canard pékinois (pour 2 personnes) : 75 €.

CHEN – SOLEIL D’EST 15, rue du Théâtre 75015 – Paris. Tél. : 01 45 79 34 34 Ouvert au déjeuner et au dîner du lundi au samedi. Fermé samedi midi

Quai Ouest, à Saint-Cloud les pieds dans l’eau

Si l’on sait que la peinture, grâce à Sisley (1839 – 1899), doit beaucoup à la ville de Saint Cloud, on ignore généralement que la gastronomie lui est redevable de la sauce béchamel. Son créateur fut, dit-on, Louis de Béchameil, surintendant de la maison de Monsieur à Saint-Cloud, palais des mirages et de la redoutable princesse Palatine qui n’appréciait que la choucroute. « C’était un homme d’esprit et fort à sa place qui faisait une chère délicate et choisie en mets et en compagnie », nous rapporte le duc de Saint-Simon dans ses mémoires. Louis de Béchameil ne parlait de sa découverte qu’avec réserve. Il mourut à Paris en 1703, à l’âge de soixante-treize ans, et ce n’est qu’après ses obsèques célébrées à Saint-Eustache que l’on retrouva la fameuse recette. Béchameil se transforma dans le parler populaire en sauce à la Béchamel ou en béchamelle.

Saint Cloud, c’est aussi le souvenir de Santos Dumont et des aérostiers, pionniers de l’aviation, et aussi, hélas !, des usines qui ont colonisé les berges de la Seine. Les temps ont changé ; la nature reprend peu à peu ses droits sur les rives, entre le Parc de Saint Cloud et le Bois de Boulogne.

Sur une immense barge de 500 couverts, les restaurant Quai Ouest, s’est ouvert il y a une quinzaine d’années. Le tout NAP (Neuilly, Auteuil, Passy) assura aussitôt son succès. Après un changement de propriétaire intervenu au printemps 2010, une nouvelle ambiance, une équipe de salle et de cuisine entièrement renouvelées, des prix toujours serrés, entendent donner à cette institution phare de Ouest parisien, une seconde jeunesse, et faciliter aussi un retour aux sources, car la Seine, long fleuve tranquille, était autrefois jalonnée d’auberges, de ginguettes, on venait y pique niquer.

Quai Ouest renoue avec cette tradition aquatique et champêtre : des oliviers et des palmiers rythment un espace, désormais mieux adapté aux déjeuners d’affaires comme aux dîners des longues soirée d’été. Les parois amovibles et la toiture rétractable offrent à la vue les massifs forestiers préservés du Bois de Boulogne, tandis que les plaisanciers accostent sur le ponton du restaurant. Les fumeurs ont leur espace distinct, au grand air. Un environnement musical discret au déjeuner, varié le soir (jazz, country music, musiques du monde), ajoute à la détente sans céder aux ravages de la techno !

La cuisine bénéficie des conseils de Philippe Colin, chef étoilé Michelin. Elle est dirigée par Julien Durosier (30 ans), ancien de chez Costes, qui a la passion du produit et l’enthousiasme de la jeunesse. Sa cuisine est inventive et moderne. Le goût délicat de la soupe coco-citronnelle, c’est lui ; la cuisson précise de la pluma de porc ibérique, comme de l’onglet à la façon thaïe du « tigre qui pleure », c’est encore lui avec sa brigade, tandis que le pâtissier bichonne une panna cotta à la rose et aux litchis.

Le service est assuré par une équipe jeune, attentive, dynamique. La carte des boissons propose cocktails, vins de soif et bouteilles de référence.

Le dimanche, un brunch, servi de 12 h. à 16 h. propose un buffet de produits ultra frais, tandis qu’un clown amuse les enfants. Prix spécial pour les ados, gratis pour les bambins.

Les prix : A la carte : entrées : 10 € / plats : env. 23 € / desserts : 10 € – Formule à 18 €, au déjeuner en semaine. Brunch : 39 € tout compris (Ados : 25 €, gratis pour les moins de quatre ans). Capacité : 300 couverts. Espace fumeur : 150 couverts. A noter, le voiturier lave votre véhicule à la demande.

Quai Ouest Restaurant. 1200 Quai Marcel Dassault – 92210 Saint-Cloud
Tél.: 01 46 02 35 54. Ouvert tous les jours.

Allez manger “A l’Oeil”, rue Marie Stuart…

Le rapport n’est pas clair entre l’ophtalmologie et la gastronomie sauf à considérer de manière littérale l’expression « œil pour œil, dent pour dent. » Et pourtant cette table du quartier Montorgueil m’a « tapé dans l’œil. » D’abord par la magie d’une salade fraîcheur aux écrevisses, vinaigrette crémeuse à l’estragon, bien assaisonnée avec une mayonnaise détendue au jus du crustacé d’eau douce souligné par le condiment de la famille des astéracées. Ensuite par une souris d’agneau fondante et son jus, semoule aux épices et pois gourmand, plat d’inspiration méditerranéenne – entre couscous et tagine – mais relevé par un mélange d’épices autre que le classique ras el hanout. Voilà deux plats équilibrés, qui ne jettent aucune poudre aux yeux.

En revanche, je mangeais des yeux (sans pour autant les avoir plus gros que le ventre) les plats de ma commensale, une entrée d’asperges sauce mousseline suivie d’un râble de lapin lardé, écrasé de pommes de terre et sauce moutarde Savora. Il me fut permis d’y goûter. Même impression de sérieux et de précision, tant dans le choix des produits que dans la justesse des goûts. Delphine, chef cuisinière, fille de restaurateurs de Seine et Marne, aussi spontanée que sa cuisine, surgit alors : « comment avez-vous trouvé ? » La question est souvent agaçante lorsqu’elle est posée par un serveur évasif. Ici, au contraire, on éprouve le sentiment que l’avis sera pris en considération et invitera au dialogue. Cette attitude ouverte est aussi celle de Emma qui pilote le service en salle, avec attention et bonhomie. Le tandem est à l’unisson. Mentionnons encore, le magret de canard aux fruits rouges et le risotto crémeux aux asperges vertes, ou encore le pavé de saumon à la citronnelle et riz à la badiane.

Les desserts, soupe de fraise et chantilly à la menthe comme le millefeuille au citron, coulis au fruit de la passion, relèvent d’une même inspiration gourmande, sans concession à l’excès de sucre, qui, trop souvent, condamne un repas à l’oubli. Le décor est aussi très soigné, inspiré par l’enseigne, qui ménage avec humour les pierres apparentes et les logos d’un cabinet d’optique. Une petite terrasse sur la rue est la promesse de plaisirs partagés pour une soirée d’été. Un menu « clin d’œil » à 26 € et « Bien vu » à 32 €, ne vous laisserons pas… que vos yeux pour pleurer ! Carte journalière au gré du marché.

Restaurant A l’Oeil, 7, rue Marie Stuart. 75002 – Paris. Tél. : 01-40-39-05-09. Ouvert le soir seulement du mardi au samedi.