Les dimsum succulents du Shang Palace (Hôtel Shangri-La)

Construit en 1896 pour le Prince Roland Bonaparte, petit-neveu de l’empereur Napoléon Ier, le bâtiment de la place d’Iena abrite depuis décembre 2010 l’Hôtel Shangri-La, un des nouveaux palaces parisiens. On attendait avec intérêt l’ouverture du restaurant chinois – le Shang Palace, avec ses trois salons privés, du nom des dynasties Tang, Ming et Qing – et l’arrivée d’un chef cantonais Frank Xu, originaire de Shenzhen, près de Hongkong. Le test devait être, évidemment, le service des dim-sum (raviolis) qui ont mauvaise presse à Paris depuis le scandale (2004) des « appartements-raviolis », des filières d’approvisionnement clandestin et de la congélation illicite, qui avaient jeté l’opprobre sur l’ensemble des restaurants asiatiques et fait lourdement chuter leur chiffre d’affaires. Les dim-sum, littéralement « cœur à petite touche », désignent un ensemble de mets de petite portion consommée dans la cuisine cantonaise. Il s’agit de bouchées enrobées en général d’une pâte de farine de riz, plus ou moins fine, composées de hachis de crevettes, porc, légumes, cuites à la vapeur, au four, dans une friture, ou encore vapeur et ensuite poêlées. Celles du Shang Palace sont absolument succulentes, d’une extrême délicatesse dans leur enrobage diaphane, servies avec des sauces qui en soulignent les saveurs différentes. Nous réserverons notre avis sur les autres plats de l’unique repas pris dans ce restaurant, après une nouvelle visite. De même que nous abstiendrons d’en commenter le prix, inaccessible, on s’en doute, au contribuable ordinaire.

Dans l’immensité chinoise, depuis la plus haute Antiquité le bien manger est une valeur positive conforme à l’ordre universel. Madame Song, dans la nouvelle Sous le même toit de l’écrivain contemporain Lu Xing’er, s’aperçoit de l’échec de son mariage lorsque son mari décide faire sa cuisine et de prendre ses repas à part ! La cuisine chinoise s’inscrit dans la théorie des cinq éléments qui règlent les énergies vitales. En effet, aux quatre saveurs qui constituent une convention partagée en Occident, les Chinois en ajoutent une cinquième l’insipide, le fade, car, selon Lao-Tseu, le Sage « savoure la non-saveur » Ce chiffre s’applique aussi, par convention, aux principales écoles culinaires de la Chine où l’on distingue la cuisine cantonaise, la cuisine pékinoise, la cuisine du Sichuan, celle de Fujian et celle du Hunan.

La cuisine cantonaise est la mieux connue des Européens. Cette région méridionale produit des fruits et des légumes en abondance qui, outre le riz d’obligation, accompagnent  le porc ainsi que les coquillages, les poissons et les crustacés, cuits à la vapeur, en friture ou au wok, relevés de sauce pimentée, de vinaigre ou de gingembre. Le Cantonnais consomme des produits frais et raffole des saveurs contrastées comme l’aigre-doux,  ou bien des oppositions fruit – viande et viande – poisson. Canton a aussi inventé le populaire chop suey, ce qui signifie « restes sautés aux germes de soja. »

Restaurant Shang Palace. 10, avenue d’Iena. 75116 – Paris. Tél. : 01-53-67-19-92 Fermé mardi et mercredi.

La Pulperia : empanadas de Fernando

 

 

 

Loulou de Bastille qui vient de laisser place à la Pulperia,  fut pendant des années un de ces bistrots où se retrouvaient, artisans, ouvriers, rapins et artistes. Des érémistes aussi, chômeurs et petits boulots, résistants à la normalisation, à la rénovation et au fast-food. Ils y trouvaient une cuisine ménagère, comme chez soi ou un peu mieux, et des vins naturels sans soufre. Le modèle, usé jusqu’à la corde, n’a pas survécu et, juste avant l’été, les nouveaux arrivants – Rachid Mezziani et le chef argentin Fernando di Tomaso – ont fait place nette. Ils ont gardé le zinc, vrai terroir des titis parisiens, et rafraîchi le décor. La nouvelle enseigne – Pulperia – s’appliquait autrefois, en Amérique du sud, à une sorte de magasin général, équivalent de nos bougnats, où l’on pouvait acheter ce qui est nécessaire à la vie quotidienne : alimentation, bougies, charbon… Aujourd’hui, ce terme désigne plutôt, en Amérique latine, une petite épicerie de proximité. L’œil rieur, le geste vif, Fernando entend renouveler sa carte au gré de l’humeur et du marché, avec toutefois quelques incontournables comme les empanadas, sorte de rissoles à bords festonnés, farcis de viande de bœuf hachée, avec un peu d’olives, d’oignons et de raisins assaisonnées au paprika et au cumin (12 €). Ce jour là, la carte, décidemment très éclectique, offrait à choisir aussi entre un foie gras cuit à la braise accompagné d’une crème de maïs douce ou bien une assiette versicolore de betteraves estivales (9 €). Soit trois entrées toutes savoureuses et raffinées. La grande affaire de la cuisine argentine, ce sont les asados (grillades), en l’occurrence une magnifique entrecôte (bife ancho de chorizo), persillée, juteuse, cuite à la perfection, soulignée d’un trait de chimichurri, sauce aillée et vinaigrée,  légèrement pimentée 24 €). Au menu du jour, figurait également la pluma ibérique (morceau de porc en forme de plume, situé dans le prolongement arrière du filet ou lomo), servi avec des carottes parfumées à la coriandre (21 €). Et encore un tronçon de cabillaud accompagné de quinoa bolivien (20 €). Un délice ! Deux desserts : chaud froid ananas / passion ou encore fondant au chocolat au jus de myrtilles. Les vins, parmi lesquels quelques bouteilles de l’ancienne cave, sont encore peu nombreux, mais équilibrés entre les provenances (Argentine, France…). L’accueil est bon enfant, empressé et direct. C’est une bonne table du 11ème, quartier vivant qui se transforme un peu plus chaque saison. Autres tables avoisinantes : Septime, Bistrot Paul Bert, Rino…

Formule au déjeuner : 18 € / 20 €. A la carte : 40 € -  Menu dégustation : 50 €

La Pulpéria. 11, rue Richard Lenoir. 75011-Paris. Tél : 01-40-09-03-70. Fermé le dimanche. (Ne pas confondre avec le Boulevard Richard Lenoir)

Chez Auguste, premières grouses d’Ecosse

Les grouses sont arrivées depuis quelques jours. Gaël Orieux, le chef du restaurant Auguste est sans doute le premier à les proposer depuis le début de la semaine. La date de l’ouverture de la chasse à la grouse (petit coq de bruyère) en Angleterre  est en effet traditionnellement fixée au 12 août (Glorious Twelfth) et sa fermeture au 10 décembre. Elle fait partie de la famille des Lagopèdes et possède un plumage couleur brun rougeâtre. Elle vit dans le nord des îles britanniques et en Ecosse où son habitat préféré se situe dans les landes de bruyères entre 300 et 600 m d’altitude. C’est un gibier de haut goût qui est souvent associé, en Ecosse, au whisky et à la marmelade d’orange. Chez Auguste, après avoir expérimenté plusieurs recettes assez sophistiquées (grouse cuite à la vapeur et servie nappée d’un fond de gibier déglacé au black whisky Loch Dhu) Gaël Orieux est revenu à une préparation plus classique et particulièrement savoureuse. Les chairs (suprêmes, pattes) sont mises à mariner une douzaine d’heures dans du whisky breton (Eddu) avec de l’ail et du thym. Elle sont ensuite disposées avec des bâtonnets de foie gras et un peu de chou préalablement cuit, sur une pâte feuilletée inversée (technique pâtissière) singée avec un peu de sarrasin. Le feuilletage enrobe l’ensemble afin de permettre une cuisson à l’étouffée d’une vingtaine de minutes. La sauce, obtenue avec les parures, la carcasse et la marinade, nappe délicatement l’assiette et développe de délicates nuances de sous bois, tandis que le whisky soutient le goût affirmé du gibier, prolongé par une poêlée de petits cèpes aillés et persillés. Un Gigondas 2007 du Domaine des Palières est le compagnon idéal de cette équipée. L’on pourra faire précéder ce plat de quelques ormeaux et seiches, cuits sur un lit de risetti à la façon d’une pælla ou bien d’agnolotti (ravioli) de tourteaux servis dans un bouillon parfumé. A la suite, s’impose, pour conclure, un fameux soufflé à la pistache.

Ancien second de Yannick Alleno au Meurice, le Breton Gaêl Orieux a eu un début de carrière très brillant depuis son apprentissage auprès de Yann Jacot (Le Toit de Passy) au sein des brigades de Senderens, Bocuse, Constant, Bouchet et Legendre. Sa recherche constante d’un équilibre des saveurs tient peut-être a ses origines bretonnes, une région où l’homme hésita longtemps à devenir paysan tant il avait tissé de liens avec la mer.

Menu au déjeuner : 35 €. A la carte, la grouse est facturée 50 €.

Auguste, 54, rue de Bourgogne. 75007 – Paris. Tél. : 01-45-51-61-09. Fermé samedi et dimanche.